- forêt -
230407-1405 - Durée : 6'03
Je vois un monde extraordinaire, sur le chemin de la forêt, tout le long, sur toute sa surface, des fourmis parcourent le sol ; elles sont en train, semble-t-il, de préparer un autre monde patiemment, jour après jour an après an, en colonisant tout ce qu’elles peuvent, tout ce que l’on… ce qu’on… tout ce qu’on leur laisse ! : reprendre une partie des sols, le malaxer petitement, grandement ; de surface en surface, elles préparent un autre monde, celui d’après les gros êtres multicellulaires que nous sommes ; elles ont déjà prévu notre disparition, notre extinction, incapable que nous sommes à résoudre les problèmes que la vie propage, en somme. Ces problèmes : de s’organiser, de se propager, oh, de permettre une survie, une organisation riche, symbiotique, sur cette planète, incapable, nous le sommes. « Nous ne pensons qu’à nous », c’est cela, l’erreur, en sommes ; en nous fabriquant le vivant a oublié cette valeur ; nous pensons dans notre conscience qu’à nous, nous oublions les autres… de ce monde ; ils ont leur importance, puisqu’ils nous permettent d’exister. Ils sont hors et au-dedans de nous ! Et des voies communicantes, au-delà de l’entendement, dans le ressentir, dans la sensation, de cela, nous en sommes dépourvus ; ou, si ce sens… ces sens, étaient permis jadis, étaient accessible jadis, nous les avons peu à peu oubliés, perdus, obnubiler que nous sommes, par nos accaparements successifs.
Voilà où nous en sommes. Voilà où nous en sommes ! Triste monde ! Triste, pour nous, joie pour d’autres, on n’en sait rien, le bouleversement se produit, des équilibres nouveaux s’amènent, vont bouleverser cette période d’accalmie de quelques millénaires, d’après ce qu’on en comprend…
(le vent s’engouffre dans le microphone de la machine enregistreuse)
et vont amener le monde de demain où nos semblables ne seront plus que des amas délétères que la vie tentera… (inaudible) de désagréger à travers de multiples gangrènes ; c’est notre sort, si nous ne nous réveillons pas, enfin, voyons ! Ah ! Nous devons penser, semble-t-il, au-delà de nous, avec les autres, à travers nos parents, nos lointains parents, mais parents tout de même, des arbres, les fleurs, les insectes, les oiseaux, tout le monde ; même les plus petits, les micro-organismes, qui nous régissent, nous permettent d’exister, qui sévissent dans la moindre de nos cellules vivantes, hutte par hutte… une par une, ces fameuses mitochondries, qui ne sont que des bactéries archaïques, dit-on, mais qui ont leur propre patrimoine, elles aussi…
Ah, ce que je dis est désagrégé par une perte de sens, je me désagrège aussi, je vais bientôt disparaître, aussi ! je m’arrête, je n’en peux plus, trop conscient de ce que le monde nous amène ; je ne sais que faire, que faire ? J’en ai la bave au creux de l’haleine, je me tais à jamais… et je me tais à jamais…